Parce que j'aime écrire, parce que il me faut écrire...

Elle s’appelait Anne.
Elle était née en Bretagne... C’était une femme comme les autres. Les gens que j’ai interrogés et qui l’avaient connue ne se souviennent pas de ses défauts. Ils se souviennent d’une femme très gentille, intelligente et discrète…
Sa famille se limitait à sa grande sœur Cécile et à sa mère qui était divorcée et vivait très modestement.

Anne est venue vivre à Paris avec sa grande sœur, personne ne sait pourquoi, pour quelle raison… Cécile, a trouvé un emploi de dame de compagnie chez une vieille dame bourgeoise. Cet emploi lui permettait d’aider sa mère financièrement. Anne, quant à elle, n’a pas trouvé d’emploi mais a rencontré un homme qui l’a mise enceinte pour la laisser tomber peu de temps après.
C’est donc une jeune fille un peu perdue qui a déambulé dans Paris pendant quelques temps. De rencontres en rencontres, elle s’est retrouvée dans un « foyer de jeunes filles », un foyer où logeaient les jeunes femmes enceintes et sans mari. Dans ce foyer, elle s’est fait quelques amies et a accouché de son premier garçon, Jim ( Ce n’est pas son vrai prénom !!!).

Plus tard, je ne sais comment, elle a rencontré un homme qui a bien voulu d’elle. Après quelques années de fréquentation, ils se sont mariés, pour le meilleur et pour le pire….

Cet homme était issu d’une famille nombreuse dont le père avait collaboré avec les allemands durant la guerre. Un père qui était devenu très riche mais qui avait tout perdu à la libération (L’état lui a repris tous les terrains qu’il avait acquis de la pire des manières).

Anne était donc à présent mariée… D’après les photos que je possède, le mariage a été simple et les invités peu nombreux (Une de ses amies du foyer assistait à la cérémonie…)
Son mari, John, était peintre en bâtiment. Il gagnait bien sa vie. Pourtant, ils habitaient tous les trois prés de Paris dans une petite maison qui ne payait pas de mine.
Je pense qu’au départ, Anne a été heureuse. John a même reconnu le fils qu’elle avait.

Mais, progressivement, le meilleur a fait place au pire.
John s’est mis à boire au point de devenir alcoolique et tout son salaire y passait …
Il a pris le temps cependant de faire à Anne deux autres garçons et trois filles ( je suis l’avant-dernier !! )… Puis, de fil en aiguille, ce fut les séjours en prison. Deux séjours d’un an chacun pour coups et blessures volontaires… Il était alors évident que le mariage n’avait plus de raison d’être.

Anne a donc demandé le divorce. Elle l’a obtenu ainsi que la garde des enfants.
Lui, il a disparu. Personne, à ma connaissance, ne l’a revu. En écrivant à droite et à gauche, j’ai appris qu’il s’était remarié et qu’il était décédé il n’y a pas si longtemps… Mais il n’a jamais cherché à re-contacté ses enfants et n’est jamais venu aux audiences qui ont suivi le décès d'Anne.

A ce stade, ma mère est meurtrie, pauvre et elle doit élever seule ses six enfants…

Et le pire est à venir…

Six mois plus tard, Anne tombe malade.

Elle a un cancer ! Elle avait bien vu son ventre gonfler depuis quelques temps mais… Peut-être s’est-elle crue enceinte ? Toujours est-il que lorsqu’elle a consulté, il était trop tard… Le cancer était à un stade très avancé, la guérison était quasi-impossible.

Elle est entrée à l’hôpital début juillet et ses enfants ont été placés dans des familles d’accueil quelques jours plus tard… (Entre temps, Jim, qui avait un emploi, s’est occupé seul de ses petits frères et sœurs. Il leur faisait à manger, les lavait, les aidait à faire leur devoirs, les couchait…)

Donc, quelques jours après le départ de Anne pour l’hôpital, l’aîné, majeur, a pris un logement dans un foyer de jeunes travailleurs.

La plus petite (2ans) a été placée seule dans une famille d’accueil.

Les quatre autres ont été placés ensemble dans une autre famille.

Il existe peut-être des familles d’accueil très bien…. Je n’en doute pas… En ce qui me concerne, j’avais 5 ans, mais je me revois courant tout nu autour d’une table pour ne pas me prendre les coups de martinet que ma « nourrice », qui me courrait après, voulait m’infliger…

Fin février, Anne rentre chez-elle.
Elle nous reprend tous les quatre et Jim revient aussi habiter à la maison pour l’aider aux tâches matérielles et à conserver son logement. Par contre, la plus petite reste chez sa nourrice…

Au mois de juin suivant, tout s’écroule. Anne doit retourner à l’hôpital et nous quatre chez une « nourrice »…

Heureusement, nous étions suivis par une assistante sociale ( Melle X ) géniale en tout point.

C’est à ce moment que Anne lui a écrit ce mot :
Je, soussignée ---------, certifie que sous aucun prétexte mes enfants ne doivent aller dans ma belle famille, quoi qu’il m’arrive. Je souhaite également que mes enfants ne soient pas séparés.

Cette assistante sociale a donc contacté une association qui a tout mis en œuvre pour nous accueillir le plus vite possible.

Une psychologue est passée nous voir pour nous faire faire des tests, d’autres personnes de l’association sont passées également et, de fil en aiguille, de certificats de ceci en certificats de cela, nous avons été recueillis par une dame. Cette dame, célibataire, est devenue notre mère, notre deuxième mère… Nous étions à nouveau réunis tous les cinq.
Jim, quant à lui, n’est pas venu vivre avec nous. Il était majeur et, de plus, s’il était venu avec nous, Anne n’aurait plus eu de visite…

En septembre, nous avions 3ans, 5ans, 6ans, 8ans, 9ans, 19 ans et ..... maman est morte…
Elle est au paradis…

C’était il y a si longtemps!
Aujourd’hui, je suis un adulte. Un adulte équilibré et qui mène sa barque aussi bien qu’il le peut. Mais un adulte qui a besoin de parler de son enfance…

Je raconterai la suite plus tard. Dans un autre article…
J’essaierai d’écrire plus clairement, mais ce n’est pas facile… Je ne veux donner aucun nom, aucun critère de temps, aucun critère de lieu…
(Et je suis un scientifique, pas un littéraire ;-))