Parce que j'aime écrire, parce que il me faut écrire...

J’avais rendez-vous le 4 août à 8h30 à Paris.
Dans mon esprit c’était clair : ce Monsieur avait un dossier qui contenait des informations sur ma jeunesse, sur ma famille et il allait m’en donner un exemplaire… C’est le directeur technique d’une association connue dans le monde entier et qui œuvre pour le bien des enfants partout sur cette Terre. Un type formidable pour une association fantastique…

Je n’aime pas aller à Paris mais, là, le voyage en valait la peine.

Une semaine avant de partir, petit bémol à ma joie de retrouver mon passé : ma belle sœur (femme de mon grand frère et que je ne vois vraiment pas souvent) m’appelle en larmes et me dit : J’ai besoin de toi, ton frère a besoin de toi. Il veut tout plaquer, vendre la maison, me quitter, partir sur les routes. Il péte les plombs à cause de vos sœurs et de votre passé. Il ne rentre plus le soir, je ne sais pas ce qu’il fait… Viens, s’il te plait.
Je lui ai répondu que de toutes façons, j’avais promis de passer en Août. Donc, pas de soucis, je passerai en rentrant de mon rendez-vous.
Je lui ai tout de même demandé quelques détails… Elle m’a vraiment inquiété ! Je l’ai donc rassuré du mieux que j’ai pu et je l’ai appelé chaque jour jusqu’à mon départ.

Je me retrouvais donc avec deux rendez-vous, mais qui se rapportaient au même objet : mon passé !!!!

Mon premier rendez-vous

Je suis arrivé avec cinq minutes d’avance…
Une bâtisse superbe en plein cœur de Paris…
J’ai patienté…
Enfin, je suis monté dans le bureau.
L’homme m’a accueilli avec un grand sourire et un air franchement sympathique.
Nous avons discuté un peu de tout et de rien et nous en sommes venus à mon dossier.
Il l’a ouvert et nous l’avons parcouru ensemble.
Il est en deux parties : La première concerne plutôt ma famille dans sa globalité et la seconde, divisée en cinq, concerne chacun des enfants (mes frères et sœurs et moi-même).
J’ai ainsi appris que mon père avait été à plusieurs reprises en prison, que ma mère (se sachant mourante) ne voulait pas que sa belle famille nous recueille, que j’étais considéré comme un garçon extrémment intelligent (tests psycho à l’appui), etc….
Sa secrétaire m’a donc photocopié les documents qui me concernaient et, pendant ce temps, j’ai parlé de mon présent avec ce brave homme. Je lui ai dit ce que je faisais dans la vie, où j’habitais, etc…. Il m’a demandé si je voyais toujours mes demi-frères et sœurs, si j’étais toujours en contact avec ma « nourrice », si je parlais de mon passé parfois, etc… Je lui ai répondu que je m’entendais mieux avec mes demi-frères et sœurs qu’avec mes vrais. Je lui ai aussi dit que je ne parlais jamais de mon enfance à qui que ce soit, que ce passé m’avait marqué pour toujours…

Puis, enfin, je suis reparti avec mon dossier sous le bras, pressé de l’ouvrir à nouveau pour en extraire tous les renseignements possibles.
Il contient donc des dessins que j’avais fait à 5 ans avec une psychologue, la feuille officielle de mon placement au sein de cette association, une copie de la lettre que ma mère avait adressée au responsable, disant que ses enfants ne devaient pas être recueillis par sa belle famille. Il contient aussi les conclusions (Bilans de situation) que les responsables notaient à notre propos après chacune de leur visite chez notre « nourrice », quelques photos, quelques résultats d’audience du tribunal, quelques documents de la DDASS, etc… Plein de mots, plein de signatures partout, plein de renseignements…

Mon second rendez-vous

Je suis arrivé chez mon frère (l’aîné de la famille) le lendemain, pour midi.
Il était au bureau de tabac et j’en ai donc profité pour parler avec son épouse. Elle pleurait, se disait inquiète pour leur couple, inquiète pour lui. Elle avait peur qu’il fasse des bêtises, de grosses bêtises.
Lorsqu’il est arrivé, je l’ai serré fort dans mes bras. Il m’a paru parfaitement normal. Il m’a fait visiter sa maison (je n’y étais venu qu’une fois) de la cave au grenier. J’ai ainsi pu voir toutes ces collections qui le passionnent… Sa maison renferme des trésors…
Nous sommes passés à table et avons commencé à discuter. Et il a pleuré tout ce qu’il pouvait, son épouse aussi mais… pas moi. Impossible ! Il me disait des choses hyper émouvantes, hyper tristes à propos de notre mère, à propos de moi, à propos de lui… Et je ne pleurais pas. Mais en quoi suis-je fait ?
Il m’a ainsi dit que c’est lui qui s’est occupé de nous pendant un moment alors que ma mère était à l’hôpital (il avait 19 ans). Il se levait la nuit pour voir si on dormait bien. Il nous faisait faire nos leçons… Il allait voir ma mère à l’hôpital tous les jours…
Il m’a raconté aussi que, bien plus tard, il avait hébergé mon autre frère à sa sortie de prison, le faisant dormir dans le même lit que sa fille par manque de place. Et que ce  c…ard  en avait profité… Il m’a raconté comment il avait pris la défense  de ma mère contre mon père…. Il m’a raconté que mon père n’était pas le sien… Il m’a raconté tant de choses… Et il a tant pleuré… Il m’a dit qu’il en voulait terriblement à nos sœurs d’avoir coupé les ponts avec tout le monde, même entre-elles (Elles habitent dans la même ville et ne se voient jamais…)…

Il a sorti un classeur. Il contenait plein de photos et de documents divers. Il m’a dit « Je te donne tout, je ne veux plus de ce fardeau trop lourd à porter. Tu es le plus intelligent, le plus réfléchi, accepte tout ça et fais en bon usage ». Et j’ai accepté. Je suis ainsi reparti avec les cartes d’identité de mes parents, une mèche de cheveux de ma mère, des photos, l’original de sa dernière lettre…
Je lui ai demandé si ça allait aller… Il m’a dit oui. Je lui ai dit en plaisantant que s’il faisait la moindre bêtise, je revenais lui casser la tête… Il m’a promis de passer me voir avant qu’une année ne s’écoule… Il va vendre sa maison mais rester avec sa femme. Il veut juste tirer un trait sur le passé… Il a besoin de vivre pour lui… Je vais le rappeler souvent…

Voila, c’était mon voyage à Paris. C’est un peu décousu et mal écrit, mais c’est comme mon enfance…
Dans mon prochain article, je raconterais donc toute ma jeunesse, en mettant le plus détails possible. Je sais quasiment tout maintenant…